Songe sur la Terre Promise de Razel

En une nuit mouvementée où miasmes et fièvre firent de moi une proie bien faible, je fis un étrange songe. À la suite de mes visions, je m’empressai de rendre visite au vieux Mercator, un ami de mon père, afin de valider auprès de ses connaissances de bibliothécaire si mes rêves n’étaient que pures délires ou s’il s’agissait, tout comme ma conscience me le jurait, de fait réellement vécu il y a de cela des décennies. Vrai comme je vis, je vous le jure, le vieux Mercator m’assurra qu’il s’agissait bien d’un songe véritable, puisque ce dernier relate parfaitement des évènements entourant la création de la Terre Promise de Razel. Que celui qui a des oreilles l’entende! Le voici mon songe, la voici la triste histoire de la naissance de la Terre Promise!

Le vent me conduisit allègement en hauteurs, me faisant goûter aux doux vertiges célestes. Puis, alors que du bleu le ciel pris l’encre du noir, le vent me poussa rapidement jusqu’à m’écraser tout près d’imposantes racines.
warm_mist_by_andreasrocha-d32m9w1Forêt Magique en plein cœur d’un boisé, ma vision devint un sombre amalgame ; s’enchevêtraient les silhouettes de coureurs en paniques aux ombres lugubres d’arbres aux branches meurtrières. L’odeur musquée de l’haleine de fauves s’alliant au parfum incendié d’un brasier naissant me permit de déceler la scène d’une attaque nocturne, laquelle ayant vraisemblablement pris de surprise ces elfes courants dans tous les sens. Des gnolls, abominations sur pattes, prenaient en chasse une jeune communauté d’elfes composée de femmes, d’enfants et de soldats estropiés. Une voix puissante tentait de faire converger les elfes en un front commun, les implorant d’éviter de se séparer. Sans même apercevoir la source de la voix et malgré la frénésie irréelle de l’instant, je devins convaincu qu’il s’agissait du timbre du Grand, de Razel Evalondëderweva en personne.

Suivant la course essoufflée des elfes, moi, spectateur absent, pût distinguer malgré les ténèbres de la nuit la silhouette d’un petit elfe sylvain. Ce dernier, animé d’une naïve bravoure, tentait d’attirer un groupe de gnolls à part du peloton en fuite. Sa ruse portant fruit, ses petits mocassins piétinaient à un rythme fou et appâtaient les bêtes dans un sentier voisin de celui des siens. Son initiative permis à un groupe d’elfes de faire demi-tour pour s’enfoncer dans la nuit, se sauvant d’une position suicidaire. L’époumonement d’une femme confirma la mort d’un enfant, puis l’agonie de celle-ci. S’emballa aussitôt un funeste et glauque concert guttural des gnolls, ces derniers multipliant les assauts et les morts. Les flammes grandissantes permirent de voir les elfes tomber comme des insectes, leurs cris transis d’une frayeur démesurée firent vite de la scène un spectacle d’horreur. La course haletante du petit elfe, bien qu’honorable, ne semblait pouvoir tenir encore bien longtemps face aux puissantes enjambées de ses assaillants. Se rapprochant toujours un peu plus, leur sourire carnassier et leur respiration saccadée laissait goûter au jeune prodigue les saveurs d’une mort prochaine. La bravoure s’évanouit, l’enfant elfique pleurait, frappant sa cage thoracique furieusement, refusant de s’abandonner à une mort atroce.

Les cris des elfes agonisants meublaient toute la forêt et l’esprit du jeune elfe regrettant son audace, puis, alors que les griffes d’un gnoll déchirèrent sa veste verdoyante, le tonnerre vrombit et un scintillement jaillit, d’une si grande puissance que mes vêtements vinrent prêt s’arracher de mon corps. Cette lumière, créant un globe immense dans la forêt, emprisonna tous les gnolls ainsi que les elfes ayant tombés à leurs coups, laissant libre accès à ceux devant de s’enfoncer dans la nuit. Le petit elfe coureur parmi les rescapés, parvint à reprendre le principal sentier dans sa course effrénée, se jetant dans les jupes d’une femme.

Les cris devinrent plaintes, laissant une mince chance aux tympans le discernement d’un plan d’eau tout près. Les elfes s’étant rassemblé purent gagner les berges de cette mer épousant les arbres de cette forêt maudite en cette nuit de deuil. D’un nombre ridicule, les survivants s’entassaient les uns contre les autres, tous affolés et à bout de souffle. Le sphérique luminaire perdait en intensité, puis, la silhouette d’un elfe de grande taille se dessina devant le groupe d’elfe, ce dernier tournant dos à l’incandescente bulle. L’enfant s’empressa en sa direction.

« Père! Père! »

Répétait périodiquement le petit être.

La silhouette brandit une longue épée effilée, puis d’un élan à en faire tordre l’obsidienne, il fracassa le sol de sa scintillante claymore. Une onde magistrale foudroya la forêt, renversant le petit elfe dos contre terre. Les survivants plaqués au sol, voilà que la terre en entier se mise à trembler en une métronomie saccadée. La terre se détacha, voguant peu à peu à la dérive, séparant les ruines lumineuses du globe luminescent, Razel ainsi que les survivants. La brèche prenant rapidement une notable démesure, nul transfert ne devint possible. À la dérive, voilà qu’une partie de la petite forêt ainsi que la plage entière s’éloignait, avec elle les survivants du carnage.

« Père! Père!!! »

L’enfant, effondré dans le sable, pleurait toute les larmes de son corps.

Le Grand, héros au courage d’airain resté seul contre la horde monstrueuse, regardait s’éloigner l’îlot au loin. Arc en mains, il fît face au globe dissipant ses derniers rayons. De son visage aussi je parvint à lire des larmes, il se chuchota d’une voix douce et tremblotante :

« Adieu Lukilian»

Puis, ma vision s’estompa.

 

Fahül Maincéleste

Michaël Fontaine

Scénario, Panthéon & Système de Magie