Les Nuits Incendiaires d’Asmaÿl

nuit-incendiaires-asmaylPROLOGUE

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 Alors que les taillades de la Grande Guerre Noire n’étaient plus que de frêles remembrances à la mémoire des peuples elfiques d’Asmaÿl, que le deuil des hommes des Hautes-Terres était inhumé, que les poètes et rhapsodes ornementaient d’extase l’âme des résidents de la capitale, Asmaÿl, reprise d’aplomb, scintillait victorieusement depuis les derniers jours de l’armistice. Belle et fière, Asmaÿl était devenue, grâce à son monarque, Heldeÿdriil le Cadastré, une contrée hautement estimée en Merved où régnait éminence et quiétude.

Par sa fougue et sa fermeté, le souverain avait su redresser son peuple des méandres d’après-guerre et rendre à Asmaÿl sa prestigieuse somptuosité. Dès son élection au trône, Heldeÿdriil séduit les nations de son royaume par des promesses de réfections des joyaux architecturaux ayant été ébréchés par les sévices de la guerre, les persuadant même à ériger d’augustes monuments à la mémoire des héros perdus ainsi qu’une basilique en l’honneur de leur triomphe, celle-ci nommée «Bahruel de Fertiti; la Beauté des Nôtres». ElyrasBien qu’Asmaÿl ait depuis toujours été une contrée réputée pour la disparité de ses peuples, soit un amalgame d’elfes sylvains à l’humble frugalité et d’hauts-elfes idéologiques aux aspirations de noblesse, la généralité de ceux-ci prirent part aux esquisses du Cadastré et ce, malgré les doléances et les paiements y étant associés.

bahruel de fertiti                                Bahruel de Fertiti ; la Beauté des Nôtres

Jezolph, la ville première du pays et l’hôte du castel du monarque était devenu un pur bijou architectural, c’est là que fut érigée Bahruel de Fertiti ainsi que maintes galeries aux fresques raffinées référant aux prouesses guerrières des soldats de l’Armée des Cinq Trèfles et des Maquisards de la Fruste Sylve. La citée de la Couronne resplendissait de richesse, par le palais de Fandwïn et ses fortifications imprenables, Jezolph attirait la jalousie des souverains les plus nantis. L’aristocratique bourgade de Valdorivalice pour sa part, celle-ci campée aux limites d’Asmaÿl et d’O’pass, avait eût le vénérable privilège d’abritée les Bibliothèques du Mémorial, vastes et prodigieuses constructions renfermant toutes les reliques et vestiges de l’histoire des Elfes, aux précieux et ancestraux textes remontant même jusqu’aux Préambules du Monde. cadastreCes musées historiques avaient été, grâce au roi d’Asmaÿl, rénovées, agrandies et sanctifiés de l’importation de tous les livres d’Asmaÿl, devenant ainsi un carrefour univoque de Savoir. Regorgeant de myriades d’épopées, de grimoires débordant de connaissances diverses, de contes, légendes, poèmes et manuscrits célèbres, les Bibliothèques du Mémorial représentaient certes en tout Merved, la plus grande université jamais connue. Scribes, sorciers et sages y venaient de par tous les continents pour y étudier les écrits les plus mystiques existant, bien qu’Heldeÿdriil en refusait l’accès à tous ceux n’appartenant pas à sa race de sang.

Heldeÿdriil le Cadastré

La localité côtière de Vineöl’felloh, maintenant instituée d’un nouveau port à la modernité envieuse, de vaisseaux et de nefs grandioses, pouvait elle aussi par l’entremise de son souverain bénéficier d’un visage neuf et magnifique, désormais pavée de statues des anciens orateurs ayant parsemé d’héroïsme le passé du peuple d’Asmaÿl. Baphèlanthe des forêts pour sa part, avait reçu les matériaux et l’aide des hauts-elfes pour restaurer ses passerelles et maisons, conservant son style rustique et naturel, la rendant si belle que de nombreux pèlerins y séjournèrent pour adorer les déités de la nature et pour y observer sa quantité d’oiseaux exotiques. Seule Phënsel, cette petite pinède indomptable aux édifications archaïques avait refusé les dorures et richesses du Cadastré, préférant dans toute son humilité conserver la virginité de sa futaie et sa facture sauvage.

CHAPITRE I

En ces temps, les peuplades d’Asmaÿl pouvaient non seulement se réjouir de ses nouvelles parures mais également de l’effervescence des siens. En effet, Asmaÿl se fit une nouvelle beauté sur la scène de Merved par des noms tels qu’Emnomiliel le Visionnaire, l’architecte notamment rendu célèbre par Bahruel de Fertiti, Leüdin’golv le Virtuose, l’artiste lyrique enjolivant tous les esprits de ses proses passionnées ainsi que Tahraï’tzal L’Éclairé, sage érudit des Bibliothèques du Mémorial.Toutefois, l’importante notoriété tissée par ses sommités vint un jour à perdre de l’attention des elfes du pays, puisqu’un nouveau nom surgit dans les commérages publiques; Nephinabel Vamaalwë. Les rumeurs clamaient que ce jeune elfe de la pinède de Phënsel possédait des dons multiples, dont le plus célèbre serait celui de la prophétie.

Tahraï’tzal L’Éclairé

Nombreux furent ceux à se rendre en Phënsel afin de rencontrer ce jeune moine introverti, ceci amenant certaines discordes puisque la quiétude des boisés de cette contrée se perdait en faveur de la popularité de son jeune prodige. Nephinabel aurait semble-t-il prédit avec justesse et exactitude la nomination de Dozabel l’Opalin à la tête de Valdorivalice, l’émergence d’âmes-en-peine venant des Hautes-Terres de Darion et rôdant aux bordures de Baphèlanthe ainsi que le début des hostilités entre les familles naines Poignedefer et Chargeroc, les détenteurs des mines d’Olorïn et Eldorïn des Monts des Nains, toutes deux voisines d’Asmaÿl. Finalement, ce serait également par le biais de ses dons prophétiques que fut retrouvé le jeune Midoh, l’enfant perdu d’Opass.

Le renom de Vamaalwë se posa sur toutes les lèvres, sa popularité grandit a un point tel où il se vit obligé par les siens de se rendre à l’orée de Baphèlanthe à tous les jours afin d’y rencontrer ses adeptes, puisque Phënsel ne désirait pas devenir un centre d’attraction attirant les curieux. C’est donc à contrecœur que le jeune prophète se rendait à tous les jours sous le vieux saule séparant Phensël de Baphèlanthe pour y subir l’assaut des foules. Le phénomène prenant de l’ampleur, le bruit se rendit vite aux oreilles du Cadastré et ce dernier pris plaisir à convoquer Nephinabel en sa riche demeure afin qu’il y partage ses dons prophétiques. Une audience grandiose fut alors organisée par le dauphin d’Asmaÿl, y réunissant les aristocrates et elfes aux statuts supérieurs de tout le pays, tous fébriles d’entendre ce que le mystérieux Nephinabel annoncerait. La vaste salle des tribunaux du palais, comble des principaux influents du pays, accueilli alors le jeune elfe à la réputation grandiose. Ce dernier se présenta sur les scintillants parquets de Fandwïn vêtu d’habits rudimentaires; encapuchonné d’une verte pèlerine, vêtu de braies grises et chaussé de mocassins troués. Son accoutrement ayant été vu comme arrogant, voilà que Nephinabel faisait parler de lui avant même d’avoir ouvert les lèvres. Heldeÿdriil fit taire les bourdonnements de la foule et questionna son invité insolite sur les dons que les rumeurs lui conféraient. Humble et tête baissée, Vamaalwë offrit des réponses concises ne laissant place à aucune prétention. Le Cadastré s’amusa un temps à questionner l’elfe qui de toute évidence semblait habité d’une grande timidité. Vint alors l’inévitable demande du Monarque :

« Révèle-nous l’une de tes prophéties, dévoile-nous ce qui attend mon adorable royaume! »

Nephinabel demeura coi, sans mots. La foule se mit rapidement à murmurer puis à rire. Heldeÿdriil, offusqué, se leva et ordonna à Nephinabel qu’il obéisse à son monarque. Le silence revenu, le souverain reprit :

« Parle jeune sauvage, dis à ton roi ce qui attend son précieux pays! »

Le regard rivé au sol, Nephinabel ne broncha point. Une fois encore, l’audience s’emporta en mesquines railleries. Le Cadastré était furieux, son visage cramoisi trahissait sa rage et alors qu’il allait chasser l’elfe et son insolence, Nephinabel parla. Le dynaste ordonna une fois de plus le silence et puis pour une troisième fois ordonna :

« Parle! Révèle-moi le destin d’Asmaÿl! »

Nephinabel leva la tête, plongea son regard dans l’arrogance de son roi, puis, d’une voix calme déclara :

« Avant que ne vienne l’automne, ton pays sera incendié. »

 

CHAPITRE II

Cloîtré dans les catacombes de Fandwïn pendant trois semaines, Nephinabel se voyait offrir un traitement disgracieux et immoral de la part des gardes de son souverain. Considéré comme traître à sa patrie, on l’accusa de blasphème et de conspiration, l’enfermant en une geôle froide et miteuse. De nombreux adeptes du jeune moine, courroucés par la conduite de leur monarque envers le populaire prophète, se rendaient aux portes de Fandwïn à tous les matins afin de protester et de demander la libération de Vamaalwë. Toutefois rien ne semblait atteindre l’indéfectible hargne du Cadastré, celui-ci déclarant que cet elfe était un simple agitateur et qu’il représentait un grand danger pour Asmaÿl, puisqu’il avait tenté de soumettre le pays de sombres malédictions. Le temps passa, les protestants se firent de moins en moins nombreux et Neph, dans sa cellule, faisait du silence le maître des lieux, se laissant injurier et traiter telle une bête vulgaire par les orgueilleux gardiens des bas-fonds du palais.

Nephinabel Vamaalwë

L’équinoxe d’automne pointant bientôt son nez, le grondement des rumeurs reprit dans l’écho des places publiques, Asmaÿl craignant que ne tombe l’épée de Damoclès prédite par Vamaalwë. Heldeÿdriil convoqua une assemblée générale devant les conciles de son pays, proclamant que le jeune prophète était revenu sur ses dires, avouant qu’il avait voulu semer la peur sous l’influence de la colère et qu’aucune tragédie n’aurait lieu d’ici l’automne. Du fait même, le Cadastré fit l’annonce de grandes festivités prévues pour l’équinoxe, de sorte de réconcilier ses peuplades avec la quiétude imperturbable de son pays. Bien que le discours et les boniments du roi parvinrent à rassuré nombre de ses elfes, l’ombre du doute demeurait dans l’esprit de nombreux sceptiques et l’on voyait en ces temps nombreux résidents s’équiper de larges seaux d’eau et de provisions en cas de feu.

Des convois de caravanes débarquèrent l’avant-veille de l’équinoxe. Chargées d’amuseurs publics, d’artistes de tout genre, de bêtes de cirque et d’acrobates réputés, les caravanes s’installèrent en Valdorivalice et campèrent tentes et chapiteaux à la place publique de Bahruel de Fertiti. La fébrilité grandissait avec grande fulgurance, l’animosité se partageant entre l’esprit des festivités et la prophétie soit disant réfutée de Nephinabel. Des scènes et places de spectacles furent montées dans chacune des bourgades excepté Phensël, la pinède refusant une fois de plus de s’indigner à la fièvre dépensière du Cadastré et souhaitant s’éviter une nouvelle augmentation des taxes. Plusieurs prétendait toutefois que les réels motifs du refus des sylvains de Phensël se ralliait davantage en guise de support à leur jeune moine emprisonné injustement. Nephinabel placé sous haute surveillance en ces jours entra, sembla-t-il, en une profonde méditation transcendantale dans son cachot glauque alors que commençaient tout juste à courir les enfants et leur ruban dans les rues du pays en fête. Le premier jour des célébrations fut lancé par une glorieuse chorale de barde, s’en suivit d’une démonstration d’acrobates de Ruzad aux prouesses à couper le souffle. Jongleurs, trapézistes, charmeurs de serpents, mimes et fantaisistes amusaient les foules sous une éclatante journée ensoleillée. Nulle trace de dragon ou de sécheresse susceptible de soumettre Asmaÿl en proie aux flammes promises par Vamaalwë.

vineolfeloLe soir de la kermesse venu, les familles se rassemblèrent sur les quais du port de Vineöl’felloh pour y assister à une démonstration d’artificiers et de magiciens dans les cieux surplombants les flots. Des cascades de jets de lumières, de fumigènes et d’étincelles multicolores envahirent et enjolivèrent les cœurs du public conquis avant de ne s’éteindre dans les eaux sombres d’automne. Lorsque sous les acclamations unanimes prit fin les envolées pyrotechniques, le Cadastré apparut du haut du mât du plus grand vaisseau de la flotte royale, vêtu de somptueux habits et nanti d’un fier sourire. Il savoura son discours, remerciant les artistes et citoyens pour cette grande journée de fête et ne rata pas l’occasion de se moquer une fois encore du jeune prophète, déclarant que la nuit maintenant venue, sa prophétie était tombé à l’eau. Ses railleries attirant les rires des foules, le peuple était aussi vivement soulagés de constater qu’en effet, l’automne arrivait dans les prochaines minutes et que nul incendie ne sévissait. Alors que l’assistance s’esclaffait de plus bel, une détonation sourde se retentit dans la direction de Jezolph, semant du fait même un silence mortel dans la foule. Le Cadastré scruta l’horizon, ne détectant rien. Une fois encore, il sema le rire parmi ses fidèles, se moquant de la frousse que venait de leur causer un probable écho de forgeron. C’est à cet instant que son malin rictus se sublima, laissant son visage de glace à la vue des ombres rousses qui se mirent à dessiner l’horizon. La foule se rendant compte du malaise, il n’en fallut pas plus pour que ne se propage l’hystérie en un rien de temps.

CHAPITRE III

Bahruel de Fertiti se consumait peu à peu, une caravane chargée des tonneaux d’huile à lampe des cracheurs de feu invités par le roi lui-même ayant mystérieusement explosée sous un chapiteau, voilà que bandroles et drapeaux ornant la basilique se firent l’amorce des flames. Le grenier de la basilique, grassement garnis de réserves de vivres des paysans prirent feu en un rien de temps et les augustes murs de pierres craquaient déjà sous l’insistance des flammes ardentes. Éclatèrent les vitraux du monument de prestige du monarque, jetant des traînés de braises dans les arbres avoisinant, ceux-ci répandant bien vite en tout Jezolph les crépitements de feux dévastateurs. La milice du Cadastré s’empressa en formation improvisées à voyager les citernes désuètes de la cité portuaire. Tentant tant bien que mal à maîtriser les flammes, voilà que les habitants durent mettre la main à la pâte pour supporter le défaillant système d’incendie de la pourtant tant convoitée contré d’ Heldeÿdriil. Du haut de son mât, le Cadastré figea, réalisant l’ampleur de son impudence envers la prophétie de celui qu’il avait si sauvagement fait prisonnier. Un éclaireur sortit le monarque de sa torpeur, lui annonçant que peu de temps suivant la conflagration sur Bahruel, un second choc avait retentit en Valdorivalice et cette fois, c’était les inestimables Bibliothèques du Mémorial qui se faisaient bûcher. Semble-t-il que des gobelins furent aperçus non loin de cette nouvelle scène de vive flambée, ces derniers de toute apparence se faisant flibustiers et terroristes en cette nuit de fête elfique.

À peine le dauphin avait-il avalé l’annonce de son serviteur qu’un violent assaut percuta le navire qui lui faisait office de promontoire. Les ombres d’ogres montés par des gobelins chargés d’explosifs se dessinèrent sur les quais de Vineöl’felloh, leur petites voix incisives se mêlant aux grognements râpeux des ogres. Craquant des allumettes, les gobelins firent crépiter des mèches sortant de flasques, lançant leurs explosifs sur les navires et les campements marins. Semant le chaos sur les quais et coulant le Cadastré dans une mer de feux, les gobelins et leur montures semèrent la mort dans la localité dans un fumet aux pluies incendiaires.

Baphélanthe ne fut point épargnés, composant tant bien que mal avec les assauts des pyromanes assoiffés de sang elfique. L’Armée des Cinq Trèfles et les Maquisards de la Fruste Sylve mobilisé en des fronts disparates pris en souricière, voilà que la riposte d’Asmaÿl parvenait bien mal à tenir sous les assauts et les flammes que créaient les peaux vertes. Le castel de Fandwïn était martelé de nuées de rochers d’ogres et de tonneaux embrasés de gobelins, craquant de tous ses fronts, tremblant de même ses fondements. La nuit entière, Asmaÿl fut ravagée et incendiée par ses assaillants, seule Phensël parvenait grâce à ses archers à limiter les dégâts et à tenir le coup. Les heures passèrent mais le soleil ne semblait point se lever, les rayons de celui-ci masqué en réalité par les fumées denses et les cendres qui couvraient les cieux.goblin_vs_gnomes_entry_by_edcid-d89t72f

Les ténèbres se faisant souverains des cieux, les flammes se jouaient les marquises des villes. L’aide ne venait pas, O’pass devait s’affairer à lutter contre les menaces qu’annonçaient les cieux cendrés d’Asmaÿl. Gobelins et ogres semaient la mort par les flammes et les flèches, par les rochers et la poudre à canon. Les Bibliothèques du Mémorial enfumée jusqu’au sommet de ses tourelles, des millénaires d’histoires s’envolaient en poussière sous les kyrielles de complaintes des érudits elfiques. De nouveaux assaillants surgirent des canalisations de la ville de Jezolph, disséminant non seulement les rangs des bataillons des Cinq Trèfles, mais condamnant du fait même de précieux accès aux sources d’eau de la capitale, empêchant ainsi l’extinction de nombreux foyers aux rousses déflagrations. Marins, archers, guerriers et sorciers tentant de leur mieux de repousser les forces gobelinoïdes, seulement le nombre et les crémations astucieuses de ces derniers ne faisaient que croître. L’entier pays d’Asmaÿl était plongé dans les noirceurs d’une nuit sans fin, où seuls les brasiers dansants offraient de douloureuses lueurs à ses sinistrés de résidents.

CHAPITRE IV

L’aide arriva, enfin. De l’île de la Licorne, une flotte de grands navires à voiles débarqua et de ses nacelles porta un secours précieux afin de repousser la menace vers les Hautes-Terres de Darion. Vidant leur carquois avec force et frénésie, les elfes de la terre voisine dilatèrent le cœur des Maquisards et du Cinq Trèfle d’une ardeur nouvelle. Des luttes sempiternelles se chevauchaient, alors qu’un bataillon ennemi était couché au sol, un autre se relevait ou de nouvelles détonations jaillissaient des égouts des cités.

Les bronzes et les marbres se bigarraient d’effusions de sang, les statues des patriarches tombaient, Asmaÿl croulait. Alors que l’asphyxie se faisant la sœur des agonisants, le vent tourna et dégagea peu à peu la voûte appartenant jusqu’alors aux ogres et gobelins. Redoublant d’ardeur, les fantassins de la Licorne et des rangs d’Heldeÿdrill parvinrent à disperser les formations et remporter la guerre. Les nuits cramoisies d’Asmaÿl prirent fin dans la fuite des gobelins, ceux-ci ayant en ces jours parvenus à semer la plus grande déconfiture du pays elfique. Les bûchers ne furent maîtriser qu’après de longs jours sombres, l’extinction de la pinède de Phensël la dévastée couronnant la fin des Nuits Incendiaires. Au premier jour suivant la fin de l’attaque, on eut crût qu’Asmaÿl n’était que de cendres tant ses pavés et ruines étaient gris. Le castel de Fandwïn perforé en plein cœur, nul ne put retracer ses damoiselles et gentilshommes, ni d’ailleurs les détenus de ses catacombes. De ce nombre, Nephinabel Vamaalwë avait également disparu.

ÉPILOGUE

Les familles furent décimées, les savoirs incendiés, l’arrogance rabrouée. Comme si les dieux avaient décidé de punirent les prétentions d’Asmaÿl en les foudroyant dès leurs premiers feu en plein cœur de la Beauté des Nôtres. En ces temps-là, avant que ne soit venu l’automne, les brillants trésors architecturaux du Cadastré furent dévorer par l’enfer. En ces temps-là, le prophète Nephinabel Vamaalwë de la petite pinède de Phensël avait parlé, mais il fut enchaîné et jeté en geôle. En ces temps-là, on fêtait, on jonglait, on buvait, on chantait…on brûlait. Oui, en ces temps-là en Asmaÿl, alors que les taillades de la Grande Guerre Noire n’étaient plus que de frêles remembrances à la mémoire des peuples elfiques, le deuil des leurs s’aviva en de vives remembrances dans le cœur de la race des elfes. Les poètes et rhapsodes n’ornementaient plus d’extase l’âme des résidents de la capitale elfique. Asmaÿl, ruinée par l’artillerie gobeline, flétrissait misérablement depuis les premiers jours de l’équinoxe. N’ayant plus rien de cette contrée belle et fière qu’elle fût, Asmaÿl était devenue, grâce à son monarque, Heldeÿdriil le Cadastré, une contrée hautement prise en pitié en Merved où régnait doléance et décrépitude.

En ces temps-là, nul ne fut prophète en son pays.

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